L'impression à la planche à l'âge du DIY

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Aller chez ma koupine Green Martha, c'est toujours une expérience intense, ne serait-ce que parce qu'entre elle, l'autre koupine Fi et moi, les idées et les répliques fusent à la vitesse du cheval de Gralon* qui fuit devant la mer. Nous sommes branchées sur un même hive-mind et ça fait du bien (parler recherche histo, ça fait du bien, de manière générale). Ajoutez à cela, deux bouts de chou fascinés par la couture, et deux chats extatiques devant les tissus ("à moi ! à  moi ! à moi !"). Intense.

Et pour rajouter un level, il avait été décidé que mon séjour de quatre jours donnerait lieu à un atelier : draper du casaquin plissé (also known as pet-en-l'air). Pour trois. Un post-tuto (voire peut-être plusieurs) viendra plus tard. Mais là, cette perspective (expliquer le drapage, c'est pas facile :P ) m'effraie, alors je vais vous parler de l'autre atelier de ce séjour en terres amies.

Green Martha, en plus d'être costumière, est graveuse : elle a plein de matériel pour faire des impressions, et elle en vend aussi (y'a pas, je suis sa plus grande fan). De mon côté, je grave un peu sur gomme (gomme à graver spéciale, japonaise), mais je n'ai ni la place de faire ce que je veux, ni le matériel ad hoc. Du coup, on s'est évidemment mis à associer deux et deux et à se dire qu'on ferait bien de l'impression sur tissu. Martha n'avait pas le temps d'essayer, mais moi, j'ai pris la soirée d'hier soir pour faire une tentative d'impression à la planche XVIIIe.

Et c'est juste génial :)

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Gomme Gravée sur catalogue de vêtement d'enfants 2013 : 
geek à souhait :P

Le motif que j'ai choisi est tiré d'un livre japonais de gravure sur gomme, tout simplement, mais je pense qu'il a été honteusement pompé sur du XVIIIe. Les gouges et la gomme ont été achetés chez Junku à Paris, et laissez-moi vous dire que c'est pas donné :( Mais la qualité est là. Et la qualité de la gomme,  laissez-moi vous dire que pour un projet pareil, c'est primordial. Si la gomme s'effrite de 1) votre motif est perdu, évidemment, de 2) vous allez saloper votre tissu avec des miettes de gommes pleines d'encre. L'autre intérêt de cette gomme est qu'elle est épaisse, vous n'avez donc pas besoin de la coller sur un planche en bois pour l'utiliser, et vous gardez une bonne prise pour la manipuler et imprimer.

Les détails techniques réglés, par quoi commence-t-on ? Par trouver un tissu. Comme c'était mon premier essai, j'ai pris du Bomull de chez NJUT! dont Martha fait presque collection. Tissu très fin, très léger : pas forcément très histo au niveau du tissage, donc. (en quoi c'est embêtant ? Tenu, tombé, rendu des couleurs,... tout ça dépend du tissage.) Maaaiiiis... 100% coton, armure toile. Et ça, c'est le plus important. Eviter la maille, même de coton. Et privilégier le coton pour de l'indiennage XVIIIe. C'est d'ailleurs encore du coton qu'utilise les derniers imprimeurs à la planche indiens. Perso, la prochaine fois, je prendrais un tissu beaucoup plus solide. Mais pour un premier essai, le Bomull fait le boulot, et il le fait correctement.

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J'ai taillé un carré pour faire un mouchoir de cou (j'étais parti sur un carré d'un mètre de côté : arf ! un peu ambitieux. J'ai fini par l'échancrer de bien 15 cm). Il ne sera ourlé qu'après séchage. Ça a l'air bête de le préciser (mais ça ne l'est pas, en particulier quand on "improvise" une technique qu'on ne connaît pas), mais des choses comme l'impression ou la broderie se font sur tissu non coupé, toujours (mais avec patron rapporté à la craie ou au fil de bâti sur le tissu pour la broderie). Et le vêtement se fabrique en dernier.

La peinture utilisé est de l'encre typographique, parce que ça ne part pas au lavage. (Milles merci à Belette Print d'avoir expérimenté et trouvé quelle encre était la meilleure à utiliser). Bon, faudra redemander la marque à Martha, je crois que c'est Gersteacker (chez le Géant des Beaux-Arts), mais ça douille quand même à 10 € le tube de peinture, faut pouvoir le rentabiliser derrière. Elle n'avait donc que quelques couleurs. Je voulais éviter le noir trop dur, et le rouge trop criard, on a donc mélanger et  on a obtenu un rouge sombre un peu Sienne brûlée très sympa (rend pas la couleur sur les photos). Mélangé sur une plaque en verre, on se sert d'un rouleau spécial gravure pour l'appliquer uniformément sur la "planche".

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Peinture sur plaque en verre et rouleau sur Sopalin
(devant, un baren, on va en reparler)

N'oubliez pas de protéger votre table avec moult papier journal et Sopalin : le rouleau ça, rippe, et l'encre typographique, sur le bois, ça pardonne pas. Même lavé au White Spirit, ça va laisser des traces.

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Conseil de Martha, "tu encres dans un sens puis dans l'autre" (de haut en bas, puis de droite à gauche. Ca marche aussi pour ceux qui préfèrent partir du bas et de la gauche ^^). Je suis obéissante quand les conseils sont intelligents, moi :D

Et après, comme en 40, tu te lances !

Heu non... On va un peu parler de l'étape que j'ai oublié : le marquage. Le motif doit être régulier, donc il vaut mieux marquer régulièrement le tissu. Il faut faire une marque qui va correspondre au coin de votre "planche" et non le centre du motif (parce que sinon, vous allez vous emmerdouiler pour rien à essayer de centrer à chaque fois le motif sur la marque. Pour ce qui est de la méthode de marquage (craie, mine de plomb, autre ?) comme je n'ai pas testé, je n'ai pas de conseil. J'ai un peu peur que la mine de plomb (la crayon de papier des familles), résiste au lavage (j'en ai connu des particulièrement vicieux).

Mon motif est donc un brin (et même un peu plus qu'un brin) irrégulier, mais les photos ont tendance à écraser les irrégularités.

Et là on se lance (enfin) comme en 40 !

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Placer votre "planche" sur le tissu en surveillant que vos doigts ne soient pas aussi encrées que le motif : sur la première photo, j'ai de l'encre sur le petit doigt, je me suis lavée la main peu de temps après. Sur les autres photos, on voit que plusieurs heures de travail ont tendance à mettre de l'encre un peu partout sur le tampon, donc sur les mains :)

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J'appuie moins fort que j'en ai l'air. 
(j'ai l'impression de me démonter l'épaule sur les photos)

Après, il faut appuyer sur l'ensemble du motif de manière uniforme : c'est pas facile, croyez-moi, même si on en a l'impression (sans mauvais jeu de mot...). D'où l'utilisation ici du baren : il est suffisamment grand pour permettre de donner une pression uniforme à l'ensemble de mon tampon. Pour une planche plus grande, j'ai vu une vidéo d'impression à la planche de bois où l'imprimeur donne un coup avec le manche de sa petite masse en bois sur les quatre côtés puis au centre (vidéo au Musée de la Toile de Jouy). L'important, c'est évidemment que la "planche" ne se soulève pas, ni ne retombe : fait une fois, ça ne pardonne pas (le motif se dédouble).

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Cherchez l'erreur

Après, il faut retirer la planche délicatement. Sur la photo ci-dessus, on peut voir un léger raté : le gomme a accroché au tissu, et je l'ai lâché malencontreusement (ça ne s'efface pas, une erreur comme ça, en tout cas, pas avec de l'encre typographique).

Et voilà !

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L'encre typographique est très longue à sécher, au moins une bonne semaine pour être sûr. Genre suspendu à une fenêtre, ça le fait !

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Et juste pour le plaisir, différentes étape du travail (ça a pris près de 3h30) :

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La concentration, il n'y a que ça de vrai.

*orthographe penmarchaise

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